L’école russe de piano est un phénomène historique et culturel lié aux conditions exceptionnelles du développement de l’art du piano et son enseignement en Russie à partir de 19ème siècle. A la base de cette école, l’ouverture aux meilleurs apports de l’extérieur ; l’école de Liszt, l’école polonaise, italienne, le rôle de John Field, installé en Russie pendant de nombreuses années, ont contribué aux fondements d’une école aux caractéristiques bien particulières A partir d’Anton Rubinstein, le « chanté au clavier », la personnalité et une certaine liberté de jeu deviennent les signes privilégiés de l’enseignement dans les conservatoires de Russie. Ces caractéristiques se conjuguent à un enseignement culturel global, de la poésie à l’art dramatique. Dans la pédagogie propre à l’école russe, la part du naturel dans le jeu est primordiale. Au-delà de la rigueur et de la fidélité au texte, il y a un travail inégalé sur la qualité du son. Les compositeurs russes ont façonné, par la courbe mélodique de leurs œuvres (« mélodisme russe »), l’idée que le piano doit chanter, que les touches du piano ne font obstacle ni au chant des cordes qui se trouvent dans les entrailles du piano, ni aux nuances de la voix humaine. En effet, les pianistes russes cherchent à imiter les plus beaux timbres de voix existants. Les romances russes, la tradition du chant omniprésente dans les salons russes de 19ème siècle est également un élément essentiel de cette influence du chant sur l’art du piano. Nulle part dans le monde ce lien entre les deux arts n’a eu tel effet. Le phrasé des mélodies russes a eu un impact sur le phrasé des musiciens russes en général, surtout dans l’interprétation du répertoire des compositeurs russes. Dans la pratique, cette pédagogie s’appuie sur le confort du corps , les gestes naturels, les fameuses « chutes de bras », le poids de bras et le fond du clavier, la respiration et l’exigence d’un son rond et long exigé dès le début de l’apprentissage. La formation de l’individualité est aussi une composante essentielle dans l’école russe : le but est de former à partir de chaque élève prometteur un artiste libre et indépendant. À partir des années 1990 beaucoup de professeurs de piano de l’école russe sont venus enseigner a l’étranger. Sans doute certains principes de l’école russe se sont internationalisés avec le temps. Mais il reste des traditions globales conservées encore par les professeurs de cette école qui forment leurs élèves dans cette pédagogie dont ils sont issus eux-mêmes.
